Tribune

Comment remettre l’IA à sa place ! (au service des experts ITSM)

Yann-poirer

Yann Poirier

Responsable R&D IANowBrains

[email protected]

Avec les évolutions matérielles et logicielles, l’IA sort des laboratoires pour être désormais accessible « sur étagère » aux entreprises de toutes tailles. Même le grand public s’y met ! Avec l’adoption ultra rapide d’outils d’IA générative comme Dall-E ou ChatGPT. Pour moi qui suis Responsable chez NowBrains de la R&D en IA, la démocratisation de ces technologies est fascinante à observer. Je la vois de façon positive. Car plus nous serons nombreux à expérimenter avec l’IA, plus nous pourrons en extraire de la valeur. Et en éviter les pièges. Mais je vois aussi que les fantasmes autour de l’IA restent forts et qu’il faut remettre l’IA à sa place dans le système d’information de l’entreprise. A savoir au service des experts humains. En particulier dans les métiers du support informatique qui eux aussi font leur révolution technologique.

Ce qu’est l’IA et ce qu’elle n’est pas

L’intelligence artificielle est un terme générique qui regroupe différentes méthodes et techniques pour simuler l’intelligence humaine et automatiser des tâches avec des machines. Dans mon domaine, la gestion des services informatiques (ITSM), une des applications les plus courantes de l’IA est l’utilisation des chatbots au support informatique. Avec des technologies de reconnaissance du langage naturel (NLP), les chatbots ou Assistants virtuels sont désormais capables de comprendre et qualifier les requêtes des utilisateurs. Ils savent aussi apporter automatiquement des réponses issues d’une base de connaissance ou orienter les demandes vers des experts humains.

Ainsi aux Etats-Unis 14 % des demandes au helpdesk sont déjà traitées par l’automatisation et les chatbots (étude Gartner 2021 des « Managed Workplace Services providers »). Cela répond à la demande des utilisateurs qui veulent être plus autonomes pour résoudre leurs problèmes. C’est aussi utile pour les gestionnaires qui doivent contrôler l’explosion des coûts des tickets informatiques. Si vous voulez creuser ce sujet, on parle de l’agent conversationnel NIA® développé par NowBrains dans cet article sur l’expérience utilisateurs avec l’ITSM.

Mais je reviens tout de suite sur cette idée de collaboration entre les experts et l’IA. Car depuis les romans cyberpunks des années 80 la peur d’un remplacement de l’homme par la machine reste forte.

On annonce donc déjà que ChatGPT pourrait remplacer de nombreux métiers et même les artistes. Mais il est plus juste de dire que l’IA transforme les métiers. Elle peut être utilisée comme un outil en arrière-plan. Pour remplacer des tâches et donner plus de puissance aux vrais experts. Des experts IT mais aussi des experts métiers capables de poser des questions pertinentes aux IA, de valider leurs réponses, et d’être garants de la qualité du service fourni aux utilisateurs.

ALT support client avec IA

Zoom sur le phénomène ChatGPT

Vous avez probablement déjà testé l’agent conversationnel ChatGPT et sinon je vous encourage à le faire. Son créateur, OpenAI, est aussi derrière Dall-E, le programme d’IA capable de créer des images à partir de descriptions textuelles. Ces deux programmes sont des IA génératives. Leurs algorithmes d’Intelligence Artificielle et de Machine Learning sont entrainés sur des contenus existants pour en générer de nouveaux. GPT4 aurait ainsi été entraîné sur plus de 1.76 milliards de milliards de “paramètres” issus du web, d’articles de presse et de Wikipédia.

Le succès grand public de ChatGPT marque aussi un basculement de l’attitude des entreprises vis-à-vis de l’IA. Avec le cap des 100 millions d’utilisateurs actifs mensuels franchi en deux mois. En France particulièrement, de nombreuses entreprises ont une relation de méfiance vis à vie de certaines technologies. Ou une phobie des promesses technologiques difficiles à déployer et rentabiliser. Mais l’adoption généralisée de ChatGPT contribue à changer les mentalités. Parce que désormais des experts et des décideurs, à tous les échelons de l’entreprise, osent eux aussi tester l’IA.

La DSI et les centres de support informatique ont aussi à y gagner pour améliorer leurs processus avec des technologies d’IA, des chatbots ainsi que du RPA (Robotic Process Automation). En effet, au-delà des IA « visibles », comme ChatGPT et les Chatbots, l’IA est aussi utile « sous le capot », pour améliorer les processus internes de gestion de la donnée dans l’entreprise. Cette IA « invisible » n’a pas pour but de ressembler à un humain, mais de fournir des capacités d’analyse ou d’automatisation. Par exemple au help desk pour orienter des utilisateurs vers une réponse dans une base de connaissance, générer automatiquement un formulaire de dispatching ou créer un nouveau mot de passe.

ChatGPT, un outil dans la chaîne de valorisation de la donnée

Une précision importante : ChatGPT n’est qu’un outil parmi de nombreux autres que nous testons avec nos experts du helpdesk. Par exemple pour lister automatiquement des procédures de résolution de problèmes. Il permet aussi de tester très rapidement des concepts. Ou encore de créer des corpus de données qui serviront à entrainer d’autres IA, avec des outils plus rapides et stables.

Car derrière le phénomène ChatGPT ce qui est finalement intéressant c’est le jeu de données sur lequel il a été entrainé. Dont des données médicales. ChatGPT est ainsi la première IA à avoir atteint un taux de pertinence de réponses de plus de 60% sur des questions d’examen du permis médical américain, l’USMLE. Car il a justement été entraîné sur ces données.

Cet exemple nous rappelle l’importance de nourrir les outils d’IA avec des données pertinentes. Et de ne pas négliger les étapes de collecte, nettoyage et enrichissement de données. Ces étapes amont de traitement de la donnée brillent moins dans les médias. Mais derrière la « magie » des IA il y a des experts humains pour créer les corpus de données d’entrainement, les pipelines de traitement de données et constamment améliorer les modèles.

Dans le domaine du helpdesk IT, nous travaillons notamment à partir de logs de requêtes. Nous nettoyons, classifions et enrichissons ces données pour les utiliser comme base d’entrainement.

Comment tester l’IA et la rentabiliser

La curiosité et la facilité d’accès à des outils comme ChatGPT pousse donc les entreprises à creuser le potentiel des IA. Mais tester et déployer des IA nécessite une organisation et des méthodes pour être rentable et sécuritaire.

Les entreprises peuvent ainsi nommer dans leur organisation des « têtes chercheuses IA » pour tester et évaluer les technologies. Pour ses clients, NowBrains joue ce rôle de veille et d’évaluation technologique permanente. C’est tout l’intérêt d’une démarche de mutualisation de moyens avec un partenaire d’externalisation.

Toujours sur le plan RH, il est important d’accompagner les équipes IT et métier qui travaillent avec les IA. Car les technologies d’IA sont des outils au service d’un besoin métier et ils transforment aussi les métiers. Bien identifier ce besoin métier et le traduire en une solution technologique demande de nouvelles compétences. Comme les fameux « soft skills » qui ne sont pas dans l’arsenal de tous les experts techniques. Sur le plan de la formation, les experts informatiques doivent aussi apprendre à superviser le travail des IA. Et interpréter leurs résultats pour qu’ils soient cohérents vis-à-vis des besoins métiers.

Enfin la sécurité doit rester prioritaire quand on expérimente avec l’IA et qu’on encourage les collaborateurs à innover. Avec par exemple la mise en place d’un « bac à sable » (sandbox) pour les développeurs. Cet environnement de test isolé de l’environnement de production permet d’exécuter des programmes sans prendre de risques. Enfin, la communication entre l’IT et les métiers permet de partager des conseils de prudence. Comme ne pas révéler d’informations confidentielles sur l’entreprise et vos missions dans vos questions à ChatGPT. Car ces informations peuvent se retrouver dans des bases de données publiques et être exploitées par des cybercriminels.

J’encourage donc mes collègues et mes clients à expérimenter avec l’IA (et pas qu’avec ChatGPT). En toute sécurité ! Enfin si ces outils peuvent sembler magiques, n’oubliez jamais que ce ne sont justement que des outils. Et qu’ils ont besoin de données pertinentes pour être entraînés. Le fait que ChatGPT puisse être utilisé par n’importe qui est donc à la fois une chance et un piège. Car l’IA transforme des métiers mais a aussi besoin des experts, pour valider les réponses et imaginer des questions vraiment pertinentes.

Enfin, pour innover avec l’IA il faut aussi un état d’esprit, des méthodes et un écosystème. C’est pourquoi nous échangeons beaucoup avec nos clients sur ces enjeux d’IA et d’automatisation. Parce que nos métiers et nos méthodes évoluent avec ces outils et que nous avons tous à y gagner.